Depuis petite, chaque 8 décembre, nous rassemblons nos lumignons, nettoyons ceux de l’année passée et installons les nouveaux sur le rebord de nos fenêtres. Ça a toujours eu quelque chose de magique, de se rassembler en famille et de se dire que d’autres faisaient pareil, au même moment, et de voir (ou d’imaginer quand on ne pouvait vraiment en profiter) toutes ces petites flammes danser sous le vent, le froid, la pluie et parfois la neige, en luttant vaillamment.
Souvent, quand on demande d’où vient cette tradition, les gens répondront “c’est pour remercier Marie d’avoir sauver Lyon de la Peste”.
Mais cette réponse n’est qu’un raccourci très rapide à la véritable histoire, bien plus symbolique de la communion, du rassemblement et de de l’esprit lyonnais cabochard, aussi.
Alors, ce soir, en allumant vos petits lumignons avec vos enfants pour leur créer des souvenirs, vous pourrez leur raconter cette histoire, plus complète… et, je trouve, bien plus jolie dans ce qu’elle signifie.
Il était une fois…
Il était une fois, au milieu du XIXème siècle (c’était quand papy et mamie n’étaient même pas encore nés, il y a longtemps, mais après les dinosaures quand même), la ville de Lyon était bien mal en point. La Révolution, la révolte des canuts, rien n’avait épargné les bâtiments de la ville qui s’en trouvaient fort dégradés. Pareil pour Fourvière qui peinait à retrouver de sa splendeur en haut de la colline et menaçait de s’écrouler.
Les autorités religieuses, à l’époque très puissantes, décidèrent alors de taper fort et de reconstruire le clocher de la chapelle, menaçant ruine , en plus grand encore. Et comme cela ne semblait pas suffire, ils firent le choix d’y rajouter une statue de la Vierge, de 5,60 mètres de haut (environ 2 étages d’immeuble pour se faire une idée), qui surplomberait la Ville, comme un regard bienveillant posé sur elle, pour la protéger (à l’époque, c’était comme ça, on pensait qu’une statue ferait plaisir et que du coup, Marie allait protéger Lyon, un peu comme si elle pouvait faire une boule d’énergie protectrice tout autour)
En 1851, un grand concours est organisé pour la création de la sculpture, remporté par le sculpteur Joseph Hugues Fabisch, professeur à l’école des Beaux Arts de Lyon, qui la réalisera dans son atelier des quais de Saône.
Fourvière en 1850
Fourvière en 1852
L’inauguration est alors prévue pour le 8 septembre, afin de la faire coïncider avec le jour de la Fête de la Nativité de la Sainte Vierge (quand elle est née quoi) ainsi qu’à la date anniversaire des Vœux des échevins de 1643 : ce sont des vœux fait pour célébrer la Vierge Marie, le 8 septembre, en montant à la queuleuleu à Fourvière (à pied, et sans râler) pour lui offrir des cierges (des grosses bougies), comme promis, si l’épidémie de Peste (le Covid de l’époque, en pire) qui faisait rage à l’époque n’atteignait pas la ville. La ville fût épargnée. Du coup, forcément, la promesse fût tenue et renouvelée alors depuis, chaque année (avec une petite pause pendant la Révolution parce que c’était un peu trop le bazar). Le choix de la date était donc parfait pour en faire une grande fête.
…et puis la météo lyonnaise
Le 8 septembre 1852, la Saône connait une grosse crue et déborde, se rajoutant aux grandes inondations de l’été et empêchant de finir et de déplacer la statue jusqu’à Fourvière puisque l’atelier se trouve du coup bloqué à cause des conditions climatiques.
On est donc obligé d’annuler l’événement.
Mais une autre date devait être trouvée et le 8 décembre fût choisi, correspondant à la fête de l’Immaculé Conception de la Vierge (c’est le jour où l’Eglise a décidé que Marie était tellement géniale, parfaite et gentille qu’elle devait être considérée comme une sainte, en gros)
Tout était prêt depuis des jours dans la ville.
Pour la célébration, des feux de Bengale sont prévus pour illuminer la nouvelle statue. Des fanfares, des feux d’artifices et bien entendu, comme pour tout grand événement, les Lyonnais sont invités à illuminer les rebords de leurs fenêtres.
La fête s’annonce grandiose, les Lyonnais attendent ce jour depuis des semaines, des mois.
Mais bien évidemment, la météo fait de nouveau des siennes et des trombes d’eau se déversent sur la Ville avec de violents orages. vraiment pas de quoi vouloir mettre le nez dehors.
Aussitôt, le Maitre de cérémonie reporte la fête au dimanche suivant, histoire de ne pas tout gâcher.
En fin de journée, le ciel se dégage. Il n’en fallait pas plus aux lyonnais pour déposer leurs lumignons sur leurs fenêtres et descendre dans la rue pour se retrouver et faire la fête, ensemble et spontanément malgré l’annulation déclarée. Pour eux, plus question d’attendre, plus question qu’on leur dise quoi faire : ils feront comme c’était prévu : la fête.
Les commerces vendent des bougies à tour de bras, la ville s’éclaire spontanément, par la seule décision de ses habitants et non plus des autorités religieuses, qui renoncent devant l’engouement et l’impulsivité de la Ville et allument la sculpture et la chapelle.
La fête dure jusque tard et c’est donc depuis que chaque 8 décembre, les Lyonnais illuminent leurs rebords de fenêtres, à la nuit tombée dans une tradition populaire et festive.
Qui ne se rebelle pas n’est pas Lyonnais ! Ouais !
Les festivités d’origines seront quand même maintenues pour le dimanche suivant, mais le 8 décembre restera dès lors la date récurrente pour célébrer les Illuminations.
Et pour vous prouver que les lyonnais n’en font qu’à leur tête, vous apprendrez en plus qu’à la base, ils devaient surtout éclairer leurs fenêtres le 5 décembre après la proclamation du Second Empire par Napoléon (oui, l’histoire de France n’est qu’une succession de proclamations, c’est compliqué, mais il fallait bien essayer des trucs avant de trouver comment faire marcher tout ça), comme dans toute la France, mais qu’ils ont préféré les économiser pour le 8 décembre et leur fête à eux.
Voilà, pourquoi, peut-être, on est si fier d’être Lyonnais, et un peu chauvin parfois.
Voilà, pourquoi, chaque 8 décembre, on fait briller notre ville.
Nous vous souhaitons une belle soirée, en esperant que la météo nous permette d’admirer le spectacle.